Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/73

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La plupart avaient été allumés pour la cuisine du soldat.

Il n’était pas rare, en effet, de trouver, près des cendres, des peaux et des graisses de bêtes, ou bien dans les cendres mêmes, des pommes de terre rôties avec la pelure.

Au loin, de confuses masses blanches et brunes pommelaient la colline, tranchant sur la verdure d’un pré. Une de ces masses semblait bouger.

Je m’armai de ma lorgnette et vis quatre chevaux attelés à un affût, desquels trois avaient été probablement tués par un obus. On distinguait très bien les efforts que faisait le quatrième pour se dégager des traits ; mais autant qu’il me parut, une de ses jambes avait été emportée, et on l’avait laissé là pour qu’il crevât. Des sacs et des shakos avaient roulé en avant de lui.

Et tout à coup, la distance ayant diminué, un spectacle autrement lamentable s’offrit à notre attention.

Les trois tas noirs, entrevus tout à l’heure, au bas des buttes, étaient à présent trois cadavres d’hommes, à demi-aplatis, noyés dans les tons bruns du sol. La face d’un des cadavres