Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/85

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grises. Deux ou trois hommes accompagnaient chaque chariot, montrant de grosses têtes sales secouées par les ressacs.

Dans le bourg que nous venions de traverser, comme à La Chapelle, nous n’avions presque point rencontré d’habitants. Et ceux que nous avions aperçus étaient presque tous de vieilles gens demeurées seules, moins pour garder les maisons, cela ne servait à rien, que pour y mourir, s’il fallait mourir. Parfois une aïeule descendait, la tête basse et sans regarder devant elle, les marches de sa maisonnette, et, des seaux dans les mains, s’en allait puiser l’eau à la fontaine. Puis, remarquant de l’amitié sur nos visages, elle nous disait tristement bonjour ou levait ses yeux vers le ciel, comme pour le prendre à témoin des choses qu’elle avait vues. Et cette résignation morne rendait plus forte la désolation générale.

Çà et là toutefois une famille, ou plus courageuse ou plus confiante, continuait à vivre sous le toit domestique, hommes, femmes, enfants rassemblés pêle-mêle dans une chambre, pour être plus près l’un de l’autre. C’est ainsi que le maréchal de l’endroit n’avait pas