Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/94

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ment des gardes de poignards, des crosses de chassepots, des fez de turcos et jusqu’à des sacs de mobiles.

Un cadavre de cheval était échoué à mi-hauteur du talus. Le poitrail, visé d’en bas, montrait ses trous noirs, pareil à une cible ; et sous la crinière, un gant se dissimulait, dans lequel la main était restée.

Il y avait des endroits où le sable moins poreux n’avait pas absorbé le sang : une rouille les rougissait ; et aux broussailles des caillots gluants pendaient, avec de la chair humaine.

Point autre chose. La route, étant route vicinale, avait été balayée de ses morts.

Par moments une voiture passait, et tantôt c’était un bidet attelé à une carriole de paysans emportant leurs meubles, tantôt un fringant attelage conduit bride sur le cou par des prussiens.

Nous eûmes plus d’une fois l’occasion de rencontrer sur les velours éclatants d’un coupé de maître, des soldats ivres qui riaient en fumant leur pipe, tandis qu’un des leurs, assis sur le siège, fouettait à tours de bras de magnifiques pur-sang emportés au galop. Et plus d’une fois,