Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/116

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derrière ses oreilles les branches de ses grosses lunettes et se mettra à travailler jusqu’à midi.

Ou bien il songeait :

— Il est sept heures. Je n’ai pas encore vu ma petite voisine avec ses joues rouges comme des pommes, sa bouche pourprée comme une framboise et son œil noir, tout gros de sommeil, qui se plisse dans les coins, quand elle met la main dessus pour voir le coin bleu, là-bas, et aussi le petit blond qui perche sous le coin bleu. Hé ! hé ! Elle a dormi longtemps, ma voisine, mais elle s’est couchée tard. À minuit j’ai très bien vu de mon lit la chandelle qui tremblait toute rouge sur son rideau. Sûrement ce petit blond lui joue dans la tête. Pourquoi pas ? Ils sont du même âge. Bon ! le rideau s’agite. Ah ! ah ! elle est levée. C’est, ma foi, très vrai qu’il n’y a rien de mieux au monde que de voir les jeunes gens s’aimer. La jeunesse ! voilà le vrai printemps. Le cœur chante, il fait bleu dans le ciel et il pousse des fleurs jusque dans les tessons de bouteilles.

» Qu’est-ce qu’elle va faire maintenant ? Pour sûr, elle est à la petite table qu’on voit d’ici dans le coin, avec un pot à l’eau, une cuvette et un petit miroir posé contre le mur. Comment se nomme-t-elle ? C’est Jeannette, je crois. Est-ce bien Jeannette ? Non, Jeannette, c’est la grande brune qui met à midi sur la corde les blouses de ses petits frères, car elle en a trois, et elle est seule pour les nourrir. Décidément, je ne sais pas son nom. — Enfin ! la voilà. Bonjour, ma voisine ! Eh ! eh ! la petite trogne ! les petits yeux ! Quand je vous disais qu’elle y regarderait ! Et lui ? Voyons, où serait-il bien, lui ? — Hem ! il est à sa fenêtre aussi. — Allons ! voilà des heureux ! Elle va faire à présent son petit déjeuner de café au lait en songeant au coin bleu, et puis elle laissera courir ses mains sur l’étoffe, avec