Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

meurer éveillé ; puis il se rasseyait, se remettait à lire et finalement s’endormait pour de bon ; mais il se réveillait en sursaut au bout d’une heure, s’imaginant que Jean avait crié, s’indignait d’avoir cédé à l’envie de dormir, et lentement s’endormait de nouveau, ronflant comme une basse ; car M. Muller ronflait, et cette infirmité faisait son désespoir.

À l’aube, ouvrant l’œil, il s’interrogeait :

— Est-ce que j’aurais ronflé cette nuit-ci ? Mon Dieu ! quel malheur de ronfler !

Et quand Jean s’éveillait, il lui demandait à son tour :

— Est-ce que j’ai ronflé cette nuit ? Je suis bien sûr que je t’ai empêché de dormir. Il faut absolument que je perde cette mauvaise habitude.

Le matin, à huit heures, madame Lamy arrivait, son cabas plein de copeaux au bras, et préparait le feu, car on était en hiver, et le givre dessinait ses palmes diamantées sur la vitre.

Elle disait à M. Muller :

— Vous avez le visage bien tiré ce matin, monsieur Muller. Je suis sûre que vous avez veillé. Allez-vous-en prendre l’air. Je ferai ce qu’il y a à faire.

M. Muller mettait son chapeau et s’en allait, disant :

— Ah ! madame Lamy, j’ai oublié de vous dire : je lui ai donné sa potion il y a une heure. N’oubliez pas de la lui donner selon la prescription.

Ou bien :

— Si vous avez besoin de moi, faites-moi appeler.

Ou bien encore :

— Le médecin arrivera à telle heure. J’ai mis là du papier, de l’encre et une plume pour ses ordonnances. Soignez bien tout, madame Lamy. Je me repose sur vous. Allons, à tantôt. N’est-ce pas que vous veillerez bien à tout ?