Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/128

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tandis qu’il parlait constamment d’elle quand il avait le délire.

À onze heures, madame Lamy jetait une pelletée de charbon mouillé sur le feu, regardait si tout était en bon ordre dans la chambre, demandait à Jean s’il n’avait besoin de rien, disant :

— Jean, monsieur Muller va revenir. Il est bientôt onze heures et demie, et il sera ici à midi. Je m’en vais aller faire le dîner de Lamy.

Puis madame Lamy prenait son cabas et courait chez elle, le plus vite qu’elle pouvait, après avoir acheté des pommes de terre chez la verdurière, un peu de lard chez le charcutier, ou deux saurets qu’elle apprêtait avec un œuf battu. M. Lamy rentrait à midi et trouvait les pommes de terre au feu, les saurets à la poêle et la table mise, bien que madame Lamy n’eût eu qu’une petite demi-heure pour faire son dîner ; mais elle était si vaillante qu’elle n’était jamais en retard, et tandis qu’elle faisait une chose, elle pensait déjà à la manière dont elle en ferait une autre.

Et elle disait à son mari :

— Lamy, il n’y a pas gras manger aujourd’hui ; car il faut penser aussi à ce pauvre Jean, et pendant que l’un mange du bouillon, l’autre est bien forcé de manger de la soupe aux herbes. N’est-ce pas vrai, Lamy ?

— Tout ce qu’il y a de plus vrai, femme, disait Lamy. Mais vous faites encore beaucoup trop pour moi. Il me semble qu’un bon plat de pommes de terre me suffirait très bien. Comme cela, vous pourriez économiser trois ou quatre sous de plus par jour pour Jean.

— Oh ! Lamy, c’est déjà si peu pour un homme qui travaille, et il n’y a pas moyen de faire moins que nous ne faisons.

M. Lamy mangeait de grand appétit, prenait ensuite