Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/183

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Les vieilles solives tremblaient pendant que l’arbre de la roue gémissait sous la nappe bouillonnante du ruisseau, et une belle farine tombait en poudre odorante dans le réservoir, sous une nuée de paillettes qui volaient en tous sens perpétuellement.

Donat alla aussi à l’écurie et regarda si rien ne manquait aux chevaux ; il leur donnait de petites tapes sur la croupe, jetait un coup d’œil dans l’auge et les appelait par leur nom. Il fit enlever la litière de la nuit, balaya lui-même le pavé entre leurs jambes, puis leur départit à chacun un picotin et s’en fut voir si l’essieu des charrettes était bien graissé.

Il chantait le gai refrain de Sainte-Catherine à pleins poumons, car il avait revu sa chère Monique et il avait à présent le cœur à l’ouvrage.

— Gai ! gai ! mon garçon, lui cria en ce moment son père, qui arrivait en sifflant, les mains dans les poches. Tu feras un fier meunier quand je n’y serai plus. Allons ! le café est à table. Hardi !

Et après le déjeuner, quand Martine eut lavé les tasses, les cuillers et les assiettes, la meunière troussa ses manches jusqu’au coude, tortilla un mouchoir autour de sa tête et noua derrière son dos le tablier à pétrir le pain.

Mais ce n’était pas du pain qu’elle allait pétrir, la meunière : de beaux pains à croûte d’or poudrée de farine s’entassaient dans la huche et l’on en avait encore pour trois jours.

Elle mit de la farine sur la table, la façonna en rond, avec un trou au milieu, et versa dans le trou de la crême et des jaunes d’œufs. Puis elle prit la farine, la crême et les œufs, les roula pêle-mêle et commença à les travailler à deux mains, les tassant avec ses poings,