Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/203

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Alors Monique se trouble et son visage prend la couleur des pommes en octobre ; elle baisse les yeux, roule dans ses doigts l’ourlet de son tablier de soie, et ne répond pas tout de suite : mais une grosse larme perle à ses cils, elle lève sur le bon meunier ses yeux clairs et noyés comme un matin d’avril, regarde du même coup sa mère et la mère de Donat, puis se jette sur la poitrine du beau garçon en sanglotant.

Et de douces larmes baignent les joues des deux mères, tandis que Donat passe son bras au cou de la fraîche jeune fille et que Taubert va prendre leurs mains pour les mettre l’une dans l’autre. Et il dit à son fils :

— Ta mère m’a tout conté, Donat. Ayez de la joie ensemble comme nous en avons eu, ta mère et moi.

Martine, qui est une fine mouche et qui sait bien pourquoi Donat va chaque matin au bout du pré, ferme alors la porte qui sépare la chambre de la cuisine et frotte ses yeux en pensant :

— Quelles belles noces le jour où not’jeune maître se mariera !

Le feu jette un éclat plus vif et la lampe éclaire de sa belle mèche qui n’a jamais mieux brûlé, la joie tranquille de tous ceux qui sont réunis dans la chambre.

Tout à coup la vieille tante Gudule, qui s’est endormie sur sa chaise, met ses poings dans ses yeux et crie :

— Qu’est-ce qu’il y a, Jésus ? Qu’est-ce qu’il y a ?

Car elle vient d’entendre un grand bruit et elle croit que sa charrette a versé dans un champ, au bas de la route. Mais le grand bruit s’explique : c’est le meunier qui débouche une bouteille de vieux bordeaux et il y en a encore une douzaine dans la cave humide. Et Gudule tend son verre au filet couleur pelure d’oignon