disant : « Quel malheur que tout le monde soit toujours pressé ! »
Claes Nikker avait vu fleurir bien des printemps du fond de sa petite échoppe, oui ! et neiger bien des hivers, mais le rusé compère était resté garçon, un vieux garçon de soixante-cinq ans, les cheveux ébouriffés sur un front bas, les sourcils haut montés, les yeux gris et clignotants, le nez gros et criblé de trous noirs par-dessus une gouttière profonde, la bouche perdue à droite et à gauche dans deux plis larges à y cacher des noisettes, enfin un menton énorme hérissé d’un poil gris et ras qui produisait le bruit d’une râpe quand on frottait la main dessus. Et pan pan ! Claes Nikker passait pour un homme terrible, et en effet, il ne faisait pas bon « être dans sa manche, » comme ¡1 le disait lui-même, car il avait la langue bien pendue. Mais il aimait la plaisanterie et rien n’était plus drôle que de le voir s’apprêter à lancer un brocart : il changeait alors de place son petit bout de pipe et le mettait à gauche s’il l’avait pris à droite ; mais avant tout, il salivait entre ses dents un long jet jaune qui claquait à terre ; puis il clignait de l’œil par-dessus ses besicles rondes et enfin disait ce qu’il voulait dire, et pas autre chose.
Les soirs d’hiver, quand la lampe de maître Nikker brillait derrière le volet, les enfants s’amusaient à jeter de la neige par la fente en criant : Eh ! pan ! pan ! Les vieilles mains de Claes, avec leurs os saillants, leurs veines grosses comme des haies au bord des chemins creux et leur peau brune comme le dos d’un crapaud, n’en continuaient pas moins de tirer le ligneul au bout des soies, de battre le cuir ou de piquer l’alène ; et en même temps on entendait sortir de sa maigre poitrine