Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/278

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Pan ! pan ! pan ! C’était son bâton de noyer. Alors chacun se sauvait pour ne pas se trouver sur son chemin et la grand’mère, qui entendait claquer partout les portes, passait en murmurant : Eh bien… Eh bien, d’une voix qui disait : — Allez toujours, je n’ai rien vu, je ne sais rien. Même elle frappait son bâton à terre un peu plus fort que de coutume, pour nous mettre mieux en garde contre son arrivée. Ainsi se passait la journée jusqu’au moment où l’aiguille marquait six heures.

On eût vu alors toutes les personnes de la maison se diriger vers le coin mystérieux où étaient cachés les présents ; et bien avant d’y arriver, une odeur de violette et de vanille signalait la présence de choses extraordinaires. Les voix bourdonnaient confusément, les assiettes s’entre-choquaient, on entrait et on sortait sur la pointe des pieds. Les deux petits enfants ressemblaient alors à deux grosses pivoines rouges, tant leurs joues étaient enflammées, et tous deux remuaient très vite leurs paupières, cherchant à se rappeler le compliment qu’on leur avait appris. Il y avait là aussi le père, la vieille servante et quelquefois des voisins ; seule, la mère était absente, les ayant précédés tous au tombeau ; mais il n’est pas bien certain que son âme ne voltigeait pas en ce moment autour de la bouche de ses enfants.

Puis on se mettait en marche, les enfants devant, le père derrière, et derrière le père la vieille servante s’avançait à son tour, portant dans ses mains un pot de réséda ou un rosier en fleurs. On enfilait le vestibule, on traversait la chambre à manger, et tout ce piétinement s’arrêtait tout à coup devant la porte du salon ; — si peu de temps, il est vrai, car le père tournait le bouton et les deux enfants se précipitaient dans la