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tilles de faille ou de vieux manteaux à capuchons en drap doublé d’orléans lustré, des mitaines en fil noir ou des moufles en tricot, selon qu’on était en mai ou en novembre. Ainsi ficelées, elles s’en allaient à la messe après avoir fermé au double tour la porte de leur cuisine, l’armoire du palier, la petite chambre qui donne sur la rue et même la buanderie, un gros livre d’heures dans leurs bras rejoints à la ceinture et faisant cliqueter à chaque pas dans leurs poches leurs clefs et les petits sous destinés à payer le chaisier.

Ma tante, entendant battre la porte, mettait le nez à la fenêtre et ne manquait pas de s’écrier :

— A-t-on une idée de frapper les portes comme ça ! Ces affreux paquets ! Voyez-moi comme c’est fagoté ! Ma parole d’honneur, je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête, le jour où je suis venue m’installer dans cette baraque !

Voilà ce que disait ma tante, le dimanche, quand les demoiselles Hoftje partaient pour la messe en grande toilette, car c’était vraiment là leur toilette des dimanches et des jours de fête ; et elles y ajoutaient, mais seulement dans les cas extraordinaires, un vieux boa pelé et un manchon chauve qui sentaient le camphre, à cause des mites. Mais ce n’était pas tout ce que ma tante Michel disait des deux vieilles demoiselles et il ne se passait pas de jour qu’elle ne leur décochât quelque lardon bien senti.

Chaque matin, l’une ou l’autre des demoiselles Hoftje sortait en petit chapeau de tulle fané, en châle à ramages déteints et en robe noire roussie par les lavages, et si mademoiselle Barnabé Hoftje était sortie le lundi, c’était mademoiselle Gertrude Hoftje qui sortait le mardi.

Il en était ainsi de tous les jours de la semaine ; et ma bonne tante qui se précipitait à son rideau cha-