Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/306

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rèse. Jamais de la vie je n’en serais sortie sans vous. Non, je le sens, je n’en serais jamais venue à bout.

La sensibilité de madame Betsy Peulleke était aussi extraordinaire que sa distraction. Il suffisait qu’on lui rapportât n’importe quoi pour qu’elle se sentît attendrie ; tournée de tout son corps vers la personne qui parlait, elle faisait aller sa tête de haut en bas, joignait les mains, gémissait : — « Ah ! mon Dieu ! Jésus Dei ! Och ! Och ! Vierge Marie ! » et pensait à tout autre chose. Quelquefois on la voyait se remuer sur sa chaise avec une agitation considérable, comme si le feu eût été dessous, et demander d’une voix vraiment consternée si l’on était le 15 ou le 16 du mois. Du reste, la meilleure petite femme qui ait jamais été, aimant son mari et ses enfants, dévouée à ses amies, charitable pour les pauvres, si charitable qu’elle leur eût donné jusqu’à sa chemise, et faisant dire à M. le juge d’instruction Peulleke, son mari, qu’il n’avait jamais regretté de l’avoir connue, ce qui est un assez bel éloge de la part d’un mari.

Il était à peu près sept heures quand arrivait madame Dubois, car elle arrivait régulièrement la dernière.

Tant qu’elle n’était pas là, ma tante se montrait inquiète, regardait coup sur coup la pendule, frappait du pied, rudoyait madame Spring, bousculait madame Peulleke, fourgonnant à grand bruit le feu et murmurant :

— Ah ! ça ! elle ne viendra donc jamais, cette grande bête du bon Dieu ?

Oui, elle avait les apparences d’une personne vivement surexcitée, ma tante, en faisant toutes ces choses, et son agitation croissait à mesure que s’avançait