Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/47

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— Oui, répliqua Nelle, et après je ferai frire les souris à la poêle. Allez, méchant garçon, occupez-vous de dresser la table et laissez-moi tranquille.

Doucement Dolf se coule dans le réduit qui confine à la cabine, y choisit une chemise bien blanche et bien amidonnée, la passe par-dessus ses habits et reparaît en faisant voler les pans avec ses mains. Aussitôt qu’elle l’a aperçu, Nelle pose ses poings sur ses hanches et se prend à rire de si grand cœur que les larmes lui sortent des yeux et Riekje bat des mains en riant aussi. Tobias garde son sérieux, et, pendant que Dolf se promène dans la chambre en demandant à Nelle si elle ne veut pas le prendre à son service pour cuisinier, Tobias tire les assiettes de l’armoire et les frotte gravement avec un coin de la chemise blanche. Alors la bonne Nelle se laisse tomber sur une chaise et tape ses genoux du plat de ses mains en se renversant coup sur coup en avant et en arrière.

Au bout de quelque temps, la table se trouva mise ; les assiettes reluisaient, rondes et claires comme la lune dans l’eau ; et près des assiettes, les fourchettes d’étain avaient l’éclat de l’argent.

Nelle ouvrit une dernière fois la casserole, goûta la sauce et, levant la grande cuillère de fer-blanc en signe de commandement, elle cria :

— À table. Le plaisir va commencer.

On approcha le grand coffre de la table, car il n’y avait que deux chaises, et Dolf s’assit sur le coffre près de Riekje. Tobias prit une chaise et allongea ses jambes, en croisant ses mains sur son ventre, après avoir mis une chaise à côté de lui pour la bonne Nelle. Puis une grande fumée se répandit jusqu’au plafond de bois et la casserole apparut sur la table, avec un grésillement de neige fondant au soleil.