Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

duite à madame Puzzel, parce que les camarades ont entraîné Dolf. Il ne faut pas que Dolf vous voie dans la douleur. Non. Ça n’est pas bon. Voilà pourquoi les camarades lui font boire un bon coup, afin qu’il prenne du courage.

— Et moi, j’en aurai davantage s’il n’est pas ici, s’écria Riekje en levant ses yeux brillants de larmes.

— Oui, dit à son tour Nelle, il vaut mieux pour tout le monde que Dolf ne soit pas ici. Tobias ensuite versa un verre de genièvre et le donna au jeune garçon en disant :

— Voilà pour votre peine, Lucas. Quand vous aurez bu cela, vos jambes s’allongeront comme une paire de rames pour être plus vite auprès des amis.

Et Lucas but le verre en deux fois. Et il but le premier coup en disant à la compagnie :

— À la santé de tout le monde.

Et le second coup, il le but en se disant à lui-même :

— À la santé de Dolf, s’il est encore en vie.

Puis là-dessus bonsoir. Quand le gaillard s’en alla, la bouilloire chantait sur le feu et une bonne odeur de café commençait à se répandre dans la chambre, car la bonne Nelle avait posé le moulin sur ses genoux et broyait en tournant les graines noires qui crevaient en petits éclats.

Madame Puzzel, ayant défait l’agrafe de cuivre de son grand manteau noir à capuchon, tira de son cabas un étui à lunettes et un tricot. Elle chaussa ses lunettes sur son nez, passa les aiguilles à tricoter entre ses doigts et s’assit près du feu, en faisant aller ses mains aux longs doigts plats. Elle portait une jaquette de laine à fleurs, sous un châle noir, et ses chaussons sortaient du bas d’un jupon de tiretaine. De temps à autre, elle levait les yeux par-dessus ses lunettes, sans haus-