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Page:Lemonnier - Noëls flamands, 1887.djvu/64

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jette son bonnet en l’air et Nelle agace, en riant, la bouche du nouveau-né que madame Puzzel emmaillote sur ses genoux. Et quand l’enfançon est bien enveloppé dans ses langes, madame Puzzel le met dans les bras de Dolf qui l’embrasse à petites fois, avec précaution.

Riekje appelle Dolf, lui prend la tête dans ses mains, puis elle sourit et s’endort jusqu’au matin. Dolf pose son front à côté d’elle sur l’oreiller ; et comme leurs cœurs, leurs haleines demeurent confondues pendant leur sommeil.


V


Dolf un matin s’en va à la ville.

Les cloches de mort sonnent grandes volées et leurs glas se répondent à travers l’air comme, sur les naufragés, le cri rauque des goélands et des pétrels.

Une longue procession s’enfonce sous le porche de l’église, et l’autel tendu de noir se constelle de la clarté des cierges brillants comme des larmes dans des yeux de veuve.

— Qui est trépassé dans la ville ? demande Dolf à une vieille mendiante accroupie, le menton sur les genoux, au seuil de l’église.

— Un riche fils de famille, un homme de bien, Jacques Karnavash. Une petite aumône, s’il vous plaît, pour le repos de son âme.

Dolf ôte son chapeau et entre dans l’église. Il se cache derrière un pilier et voit le cercueil aux clous d’argent disparaître sous le noir catafalque.

— Seigneur Dieu, dit-il, que votre justice se fasse. Pardonnez-lui comme je lui ai pardonné.