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— Non, Fleur, il n’est pas encore venu, mais il passe sur la place.

— Och ! bonne maman, laissez-moi voir passer saint Nicolas sur la place.

— Fleur, reste en paix : saint Nicolas ne donne plus rien aux enfants qui l’ont vu.

— Och ! bonne maman, j’entends sur la place la voix du petit Paul qui crie : « Saint Nicolas passe derrière la maison du boucher Kanu, » et celle de la petite Marie qui lui répond : « Non, il ne passera que dans une heure. »

Le père Jans, entendant d’en bas qu’on parlait, monta, et ayant enveloppé Fleur-de-Blé d’un jupon de laine, l’approcha de la fenêtre dont il souleva le petit rideau blanc.

Il était tombé de la neige dans l’après-midi et il y en avait par terre près de trois pouces. Les maisons de la place se détachaient en noir sous une perruque blanche, dans un ciel roux d’où les flocons continuaient à tomber, comme tombe en mai, sous les ciseaux du tondeur, la toison des brebis. Des lumières bougeaient, et devant les boutiques, les quinquets dessinaient en rouge sur le sol blanc les carrés des vitrines. Mais ce que Fleur-de-Blé regardait surtout, c’étaient les grands parapluies des marchandes qui, les sabots garnis de panoufle et les mains sous leurs tabliers, se tenaient assises au milieu de la place, devant des tables recouvertes de nappes en serge à carreaux bleus et blancs sur lesquelles s’étalaient des lions de sucre d’orge, des drapeaux de Notre-Dame de Hal, des poupées à têtes de bois, des macarons, des couques de Dinant et des spikelaus.

Et, tandis que la neige dansait en petites ouates qui poudraient les parapluies et faisaient grésiller la mèche