Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment un vide se fit autour d’eux. Cachaprès tournait, cambré sur ses reins, comme pour une rixe. Ses pieds s’attachaient au sol de toute la fermeté de ses inébranlables jarrets. Il élargissait les coudes et carrait ses épaules. Ce fut une trouée.

La foule, repliée, oscillait, faisait des efforts pour s’écarter. Des cris partaient. Hé ! Attention, Hubert ! Hé ! Cachaprès, pas de bêtises ! Il n’écoutait rien, avançait droit devant lui, la couvrant de son corps, luttant de ses reins, de ses épaules, de son dos. Des protestations s’élevèrent. Un homme lâcha un mot vif. Cachaprès lui lança un regard froid et lui répondit :

— Toi, j’te repincerai t’à l’heure.

Le passage ouvert, d’autres couples se mirent en branle derrière eux. La circulation se refaisait. Il y eut une détente dans cette immobilité de toute une foule, et Germaine, balancée contre la poitrine de son danseur, avait un vertige doux. Un moment il cessa de tourner, et ils demeurèrent isolés au milieu de la foule. Elle sentait ses genoux contre les siens ; sa main froissait son dos. Et il la regardait avec un large sourire heureux, en lui chuchotant des mots caressants :

— Germaine, disait-il, t’faut-y que j’les ramasse par dix, vingt, cinquante ? Veux-tu que j’me batte contre eux tous ? Dis, que t’faut-y ?

Elle pensait alors à son premier danseur, le neveu de Izard, et elle admirait la force tranquille du braconnier. Ils repartirent.

La musique aigre la berçait entre ses bras, voluptueusement, et le brouhaha, les fumées, l’odeur humaine répandue dans l’air la grisant petit à petit, elle se sentait par moments défaillir. Une ébriété sale fermentait, du reste, dans cette salle où les chairs poissées se tassaient. Des rires récompensaient la hardiesse des hommes dépoi-