Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/141

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Et la pauvre fille continuait à la regarder, ahurie d’être si bête. Alors Germaine précisa :

— Mais oui, comprends donc ! Si j’avais un amant, est-ce pas, et que t’irais le dire, tu m’vendrais !

Célina haussa les sourcils.

— T’as un amant ?

Germaine hocha la tête :

— C’est une supposition. Mais ça peut arriver. Seulement, il ne faudrait pas le dire.

Et elle partit de là pour lui défendre nettement de rien révéler du temps qu’elles passaient ensemble, ni des heures auxquelles elle arrivait ni de celles auxquelles elle partait. Chacun a ses petites affaires. On n’aime pas que les gens y mettent le nez.

— Bien sûr, répondit Célina, perdue dans ses songeries.

Germaine la quittait ensuite pour aller rejoindre Cachaprès. Quelquefois Célina s’offrait à l’accompagner. Elle avait une manière un peu brusque de la repousser alors. Cependant, elle n’osait pas toujours. Célina lui prenait le bras et elles marchaient quelques instants ensemble, jusqu’au moment où Germaine, n’y tenant plus, la renvoyait d’un mot décisif.

Seule enfin, elle s’enfonçait dans le bois avec une joie extraordinaire.

Ils variaient leurs rendez-vous pour n’être pas surpris, choisissant tantôt un arbre aisément reconnaissable, un sentier dans un taillis ou bien un embranchement de chemins. D’abord elle s’avançait lentement, avec précaution, regardant de tous côtés. Des formes d’arbres avaient des silhouettes humaines dans la demi-obscurité du crépuscule. Il lui fallait un peu de temps pour s’enhardir. Mais bientôt l’impatience la gagnait. Elle se mettait à courir, enjambant les bruyères, coupant court à travers