Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/175

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luzernes, à un gros quart d’heure de la ferme, il reparla tout à coup des vaches, de la blanche qui était soufflée, de l’isabelle qui était creusée, de la noire qui ne valait pas lourd.

— Chacun son idée, répliqua Hulotte, parfaitement calme.

Une petite pluie fine, qui ne finissait pas, rayait la campagne devant eux, étendant sur les verdures un réseau gris, très léger. Des bubelettes d’eau diamantaient leurs habits, mal protégés par le parapluie que Hulotte tenait au-dessus d’eux. La terre détrempée collait à leurs souliers une boue jaune, épaisse. Et de temps à autre, Hayot passait ses semelles dans les herbes, repris par ses instincts de propreté.

— Fichu temps !

C’est égal. Il ne se repentait pas d’être entré. Loin de là, et il répétait sa phrase, avec componction :

— J’suis ben content de vous avoir vu en bonne santé.

Ils reprirent le chemin de la ferme.

Hayot éprouva le besoin de revoir l’étable. Il alla à la vache noire directement et passa la main sur ses côtes, son ventre, ses jarrets ; il regarda ses cornes, ses sabots, son pis ; il lui releva le mufle, lui desserra les dents. Puis, se décidant :

— J’la prendrais p’t-être ben, si elle n’était pas trop chère, dit-il.

Hulotte se balançait d’avant en arrière, régulièrement. Il avait gardé son air indifférent. Il demanda :

— T’en as envie ?

— Envie et pas envie. Ça dépend. Faut voir le prix.

Tous deux se tutoyaient à présent.

Hulotte eut l’air de réfléchir longuement.

— Ben, pour toi, là, parce que c’est toi et rien que pour ça, ben, ça sera sept cents.