Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/181

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Des rangs de peupliers minces filaient le long du pavé rayant le sol blanc de leurs ombres grises. Par delà s’étendaient les campagnes, dans un chatoiement de nacre pâle qui à l’horizon se vaporisait, devenait un brouillard lumineux. Cette chaleur de la plaine au sortir des bois les prit comme une haleine de fournaise. Un peu d’écume moussait sous la sellette du cheval. Des odeurs de vernis échauffé s’échappaient des harnais, s’ajoutant à l’odeur fade des blés. Et dans l’air s’entendait un bourdonnement de mouches, assoupissant à force de monotonie, qui petit à petit dispersait les idées de Germaine, les inclinait à la sensation vague de connaître un autre amour. Une paresse de dimanche appesantissait les villages qu’ils traversaient.

La métairie du bonhomme Hayot se reconnaissait à son air de large aisance. Elle se composait d’un bâtiment à front de rue, qui était la grange ; d’un second bâtiment où étaient l’étable et l’écurie ; enfin, de la maison d’habitation ; et le tout formait un carré au milieu duquel la fosse aux fumiers descendait en pente. Le verger, très vieux, s’espaçait entre des haies de clôtures épaisses de deux mètres, le long de la chaussée. Un noyer énorme étendait au-dessus de la porte d’entrée ses branches saillantes comme des biceps.

La voiture fit le tour de la cour et alla s’arrêter devant la porte de l’habitation. Des canards fuyaient en bedonnant, sous les pieds du cheval, pêle-mêle avec les poules et les pintades. Un large gloussement de peur montait dans le bruit des roues grinçant sur le pavé. Les dindons, ahuris, allongeaient le cou, interminablement. Et un chien de garde aboyait avec fureur, mettant le comble à l’agitation.

Une servante se montra.

— M’sieu Hayot, fit Mathieu.