Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/203

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— Je t’remets, dit-il à la fin ; t’es le fils au fermier du « Trieu ! »

Piteusement, le garçon remua la mâchoire, pendant que, ruminant des songeries, son ennemi semblait oublier sa présence. Et de nouveau, le silence recommença, d’autant plus écrasant dans la sérénité du soir, avec leur souffle pareil à celui de deux bœufs haletants. De la poitrine de Cachaprès, comme d’une forge, s’élevèrent soudain des gémissements inarticulés : une question montait à ses lèvres, et il la retenait, comme si sa vie y avait été attachée. Cela éclata :

— T’es son galant, dis ?

Les yeux de Hubert s’élargirent ; il ne comprenait pas :

— À qui ? râla-t-il.

Les redoutables mains, dont il avait éprouvé la rudesse, retombèrent comme des masses sur ses épaules, et il s’entendit répondre :

— À la grande brune, donc !

Un étonnement profond lui fit hausser les sourcils ; et il demeurait sans parler, sentant poindre au bout de ses conjectures une possibilité vague que cette Germaine Maucord ne fût pas étrangère au motif de l’agression.

Lui, s’impatientant, répétait :

— Voyons… sans coïonner… l’es-tu ?

Et, comme des crampons enfoncés par le marteau, ses doigts s’étaient replantés dans les chairs du cou.

— Lâche-moi, gémissait Hubert.

— Dis… L’es-tu !

Un « non » siffla.

— Jure un coup, commanda Cachaprès.

— Bien, oui !

— Sur le bon Dieu.

— Oui !

— Sur t’père.