Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/214

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Elle fit deux fois le tour de la chambre, puis s’assit. Elle cherchait des mots pour le décider à rompre. Son œil sec se posait sur les objets sans les voir et elle faisait sauter le bord de sa jupe sur son soulier, machinalement. Lui, s’était assis à l’autre bout de la chambre, sa tête dans les mains, muet. À la fin, il se leva, lança son poing dans le vide et alla s’épauler au mur, presque en face d’elle, la tête basse. Alors elle tâcha de lui arracher une parole, son silence lui pesant plus que ses objurgations.

— Dis ce qu’y t’faut dire, voyons.

Il détourna la tête.

— Moi ? J’dis…, j’dis rien.

— C’est toujours rien avec toi… Alors que j’ai tous les ennuis.

Maintenant que le silence était rompu, elle ne le laissait plus recommencer. Elle lui fit des reproches de son indifférence : ça lui était bien égal à lui qu’elle eût des scènes chez elle ; tous les jours, c’étaient des mots, et on finirait par la chasser de la ferme.

Elle parlait très vite, s’attendrissant sur elle-même et finissant par croire à ce qu’elle disait. Il arriva un moment où elle entra si nettement dans son rôle que les larmes lui partirent des yeux. Elle prit son mouchoir et tamponna ses paupières qui rougirent. Elle espérait un bon mouvement de sa part, une renonciation peut-être, et elle le guettait du coin des yeux, furtivement, noyée dans ses pleurs.

Il balançait la tête sur ses épaules, continuant à se taire.

Elle s’ingénia. Les hommes étaient tous des égoïstes qui ne pensaient qu’à s’amuser. Les femmes, c’est pour eux du plaisir, rien de plus ; ils voudraient les avoir sous la main, constamment, comme des joujoux.

Elle était très animée. Le sang empourprait ses joues.