Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/235

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feuillages, tantôt balancés comme des éventails, tantôt brusquement heurtés, quand l’ouragan s’amoncelle au ciel en larges nuages déchiquetés.

Germaine était prise de souvenirs aigus au milieu de ces effervescences de la terre.

Que faisait-il, lui ? Sans doute, il traînait sa rancœur sous les hêtres de la forêt. Ne pouvant soupçonner la cause de cette longue absence, l’espoir de la voir arriver alternait en lui avec la crainte de l’avoir perdue. Elle, se figurait sa peine, sa colère, sa solitude. Ah ! il l’aimait, ce va-nu-pieds, et d’un incomparable amour. Elle, au contraire, s’était refroidie ; une lassitude avait soufflé sur son feu, comme le vent sur une chandelle, tandis que le pauvre diable séchait sur pied, flambait comme une épine au feu ! Cela la remua. Elle se sentit revenir à lui par une reconnaissance. Personne ne l’aimerait jamais comme il l’aimait. Et elle s’en voulait de ses lâchetés à son égard.

Bah ! il en valait mieux ainsi. Petit à petit, sa passion à lui s’userait devant cette séparation qui se perpétuait. Et par une pente insensible allant de l’attendrissement à l’indifférence, elle se réjouissait presque d’être claustrée.

Puis, les jours se suivant, elle eut d’autres idées : le sachant violent, elle redouta un coup de tête. Un bruit de pas résonnant dans la cour la faisait se lever en sursaut, courir à la fenêtre toute pâle. Qu’est-ce qu’elle lui dirait s’il arrivait ? Il était capable de tout. Alors, s’affolant, elle allait à l’extrême, entrevoyait des catastrophes. Il lui avait dit un jour qu’il ne serait pas gêné de lui loger une balle dans la tête si elle le quittait. Un autre souvenir, celui du couteau qui avait chatouillé sa peau et auquel elle n’avait échappé qu’à l’aide de ses ruses, s’ajoutait au souvenir de ce propos.