Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/256

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Le tonnelier se releva. Cachaprès, campé, l’attendait. Tous deux s’élancèrent. Il y eut un moment d’indécision. L’hercule souleva de terre le braconnier et le tint un instant suspendu. Il était le plus vigoureux incontestablement : mais Cachaprès était plus rusé et plus alerte. D’un coup de reins formidable, il se débarrassa, et, sans perdre une seconde, aussi prompt que la pensée, tandis que le tonnelier se détendait, il bondit, le prit en travers du corps et le coucha sous son bras.

Le tonnelier était bon enfant ; il fit la moue d’un homme qui s’avoue vaincu ; il soufflait ; ses pectoraux jouaient comme un soufflet de forge. Cachaprès, lui, tranquille, le souffle égal, sans trace d’animation, lampait un verre, dédaigneusement. Mais le colosse se rattrapa aux poids ; il paria de lever à bras tendu une souche d’arbre qui gisait dans l’enclos. Il empoigna, en effet, la souche, la remuant un instant, cherchant le point d’attaque, et lentement la leva ; ses biceps roulaient dans ses bras comme la boule sur la planche d’un jeu de quilles. Cachaprès essaya à son tour ; il ne put que hausser la souche et la laissa retomber.

— J’y suis ! fit-il.

Et il paya l’enjeu du pari, doublement.

Le tonnelier offrit alors de soulever une vache sur son dos. Personne ne voulant prêter la vache, il proposa de lever un cheval ; mais il y eut une prudence semblable à l’égard du cheval, et finalement, riant de son gros rire, il alla à une charrette chargée de pailles et gagea de la lever.

— Ça va ! fit-on.

On attela le tonnelier. Un collier de cheval fut passé autour de son cou robuste, et il se mit à piétiner, s’efforçant d’ébranler la charrette. Les roues bougèrent d’abord à peine, puis décrivirent un cercle, et la charrette se mit