Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/294

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qu’elle avait éprouvé les alanguissements de l’amour, un soir que les chèvrefeuilles en fleur versaient la mollesse dans ses veines et que le vent de la nuit, comme une main lascive, chatouillait sa chair faiblissante. Depuis, les fleurs s’étaient desséchées au soleil ; le banc s’était petit à petit englouti sous la marée montante des feuillages ; sa chair avait reçu le châtiment du désir satisfait.

Et de la cour lui arrivait, par la large porte ouverte, la pestilence musquée des fumiers, comme en cet autre jour, sous ce midi brûlant qui avait démoli ses pudeurs. Que de choses depuis ce temps ! L’ardeur des tendresses, la froideur préparant le chemin à l’indifférence, les rendez-vous plus rares, et enfin cette nuit horrible, ces coups de feu, Cachaprès blessé sous ses fenêtres et trouvé mort, dix jours plus tard, dans un fourré… Ces pensées s’appesantissaient sur elle du poids funèbre des remords.

Elle eut des larmes sombres et tendit ses bras devant elle, comme aspirant à se répandre à son tour dans l’infini de la mort et de l’oubli.

En ce moment, l’être que le Mâle avait mis dans ses entrailles tressaillit, et prise d’une désespérance, elle songea à ce soir où les lamentations de la vache en gésine avaient rempli l’étable et les cours, s’élargissant par-dessus la sérénité des campagnes, à travers les houles de l’ombre.


FIN.