Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/32

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lons, et par une ondulation lente, avec des mouvements de reptile qui se déroule, il se laissait couler jusqu’en bas, retombait sur ses pieds sans avoir dérangé la couvée.

Plein d’astuce, il avait fini par connaître les habitudes des espèces aussi nettement qu’il connaissait les cinq doigts de sa main. Il savait quand les mères vont à la provende, le temps où elles conçoivent, celui où elles ont fini de couver, connaissant à un nid près ce qu’il y avait de plumes dans un large rayon d’arbres.

Sa chasse faite, il l’apportait à sa mère. Elle prenait les oiseaux, leur tordait le cou, les mettait cuire sur un feu de bois. Leur maigreur ne faisait qu’une bouchée sous la dent vorace des Hornu.

Il chassait aussi aux mouches, aux papillons, aux hannetons, les écrasant, leur arrachant les ailes, en faisant de grands carnages, et ce petit avait la volupté de la destruction. Tout ce qui était vie remuait en lui des acharnements sourds. Une aile dans l’air, un rampement dans l’herbe, un passage brusque de gibier le trouvaient prêt à la poursuite. Quand on était proche d’un étang, il allait se poster dans les roseaux, y demeurait des jours entiers, rigide, muet, uniquement occupé de prendre des grenouilles. À chaque éclair de leur dos vert, la gaule s’abattait, faisant jaillir l’eau, et elles s’aplatissaient, les cuisses gigottantes, leurs gros yeux ronds pleins de stupeur.

D’autres jours, pour varier ses plaisirs, il les pêchait avec de petits lambeaux d’étoffe rouge pendillant à une ligne, s’amusait prodigieusement de les voir sauter après la loque et, lorsqu’elles étaient accrochées, de les tirer à lui brusquement. Il les achevait d’un choc sec de leur tête contre une pierre, une souche ou l’angle de son sabot. Et il en tuait ainsi dans les bons jours un cent ou deux.