Page:Lemonnier - Un mâle, Kistemaeckers, 6e éd.djvu/51

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demeurèrent fermées comme par le passé. La mort n’avait pas fait hausser la vie. Seulement, la petite n’étant plus inquiétée par la sévérité du père, se reprenait à faire sa rumeur d’enfant. On voyait dans le jour sa joue en fleur au milieu des fleurs du jardin, se mêler au vol des papillons, s’animer des rougeurs du jeu, par moments disparaître dans la toison des hautes herbes.

Et tout à coup un grand changement s’opéra autour d’elle. Elle avait vu un homme grand et fort s’asseoir dans l’âtre, venir d’abord irrégulièrement, puis prolonger ses visites, et cet homme l’avait levée un jour à la hauteur de sa bouche et lui avait dit :

— Germaine sera not fille à présent.

Puis on l’avait menée dans une grande ferme, où elle avait grandi au milieu d’un train bruyant, et sa mère lui avait dit :

— Tu aimeras le fermier comme ton père.

Tout doucement, elle comprit que sa mère s’était remariée.

Hulotte, demeuré veuf comme Madeleine, avec un garçon de dix-huit ans, s’était toujours senti du goût pour cette femme calme et belle, alors que lui-même était déjà marié et connaissait les aigreurs d’une union mal assortie : aussi fut-il heureux de la retrouver libre. Madeleine entra donc à la ferme et continua avec ce nouveau mari, plus vieux qu’elle de quinze ans, la même vie ordonnée et droite qu’elle avait menée avec son premier époux.

Ils eurent deux fils ensemble, et leur bonne entente ne fut rompue que par un coup terrible : Madeleine mourut des suites d’une affection charbonneuse dans le même mois où était mort Maucord.

Il y avait de cela trois ans déjà, et un accablement était demeuré sur le fermier depuis ce temps. À chaque saison, il laissait un peu plus le soin des affaires à Philippe,