la forêt dans un crépuscule bleuâtre. Et un souffle lent, continu, semblait être la respiration de la terre.
Cachaprès se mit à quatre pattes, et sautant à petits bonds, s’effaçant derrière le hérissement des buissons, il descendit le chemin qui coupait la clairière sur un assez large parcours. Un chevreuil, c’est déjà de l’argent. Mais le brocard pouvait se dérober, et, en fin de compte, il valait mieux deux bêtes qu’une. Ces idées de proie se mêlaient dans sa tête à la sensation amoureuse de presser Germaine contre lui, de la griser avec du vin et puis, peut-être, de l’entraîner dans la nuit. Sa silhouette arquée se confondait avec l’ombre des genêts, très abondants en cet endroit. Le seul bruit qu’il faisait en courant était de mettre parfois le pied sur une branche sèche qui craquait. Il ouvrait largement à terre la paume de ses mains, reposant tout son corps sur celles-ci et imprimant à ses reins des secousses légères, de façon à toucher à peine le sol du pied.
Il cherchait un passage commode pour se glisser dans l’épaisseur du fourré, qu’on voyait, à une portée de fusil du chemin, faire une large tache noire sous la clarté de la lune. Il finit par trouver une refuite visiblement élargie par les bêtes à leur rentrée : elle filait dans la bruyère, martelée par le piétinement des soles, et par moments se dérobait sous des couverts de taillis.
Un petit chêne râblé avait poussé là, en compagnie de trois bouleaux, et ces quatre arbres mettaient un tremblement d’ombre sur la nudité des solitudes, Cachaprès posa le pied sur un des nœuds du chêne, la main sur un autre, et, s’aidant des genoux, grimpa jusqu’au premier rang de branches. De ce point, il dominait le taillis, les genêts, le déroulement de la sente jusqu’aux fourrés. Il ouvrit son couteau, piqua la lame dans la branche et tendit l’oreille.