Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/260

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expansive, impressionnable parfois jusqu’à l’invraisemblance. D’autre part, il se souciait médiocrement du régime militaire, et ne sentait en lui aucune vocation prononcée pour entrer dans les Ordres…

Il se trouvait donc étrangement dépaysé à notre époque essentiellement pratique, où il faut être classé, enregistré, étiqueté, numéroté, immatriculé, pour devenir quelqu’un ou quelque chose ; à moins d’aptitudes industrielles ou commerciales de haut vol ou de grande aventure, grâce auxquelles, les affaires étant surtout l’argent des autres, on arrive à une fortune rapide ou au train express filant à toute vapeur sur la frontière du Nord.

Après avoir jeté sa toque et son rabat, notre gentilhomme s’en revint tout droit au petit bourg de Rhuys, retrouver la seule personne de sa famille qui lui restât encore au monde, la sœur de son père, une sainte et bonne vieille demoiselle qui, aux tristes jours de l’émigration, avait beaucoup souffert, beaucoup pleuré, beaucoup brodé, se perdant les yeux à cette ingrate besogne de fée. Plus tard elle était devenue aveugle tout à fait.

Quand elle entendit la voix de son neveu revenant, elle ne put d’abord en croire ses oreilles. Elle se leva en sursaut de son fauteuil ; mais étant seule et ne pouvant prendre