Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/280

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— Et que pensez-vous de notre visiteur, mademoiselle ?

— Quel drôle de garçon ! Il a quelque chose de doux et de fier, qui ne lui va pas mal, et j’avoue que, pour un gentilhomme rural, il n’a pas l’air trop satisfait de sa personne, ce qui ne me déplaît pas.

— Ah ! pour celui-là, mademoiselle, à coup sûr, la fortune ne l’a pas gâté. Il a pourtant, en manière d’acquit, terminé consciencieusement toutes ses études de droit et commencé son stage d’avocat à Paris même ; mais le métier de robin et la vie casanière lui répugnant d’instinct, il est revenu simplement au gîte pour y planter ses choux, comme ont dit, ou plutôt pour y battre nos bruyères.

— Et pourquoi n’est-il pas entré dans la marine, cette belle voie toute grande ouverte aux aventureux ? Il aurait très bien porté l’uniforme, et serait aujourd’hui, à trente ans, je suppose, officier supérieur. Avec sa fière mine, l’épaulette d’or lui vaudrait mieux que la veste de chasse et son chien aux talons.

— Sans doute, mais il n’a pas voulu quitter sa vieille tante aveugle, seul débris de sa famille, qu’il adore comme un fils. A cause d’elle, il a renoncé courir le monde… Et ici ils vivent tranquillement à deux avec cinq ou six mille livres de rente. Je dis tranquillement, non