Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/287

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et autorisée. A l’aise à la tribune comme chez lui, sans phrases, souvent les deux mains dans ses poches, avec sa grosse verve de financier gouailleur, qui se borne à l’éloquence des chiffres, si vous l’aviez entendu, si vous aviez pu voir miroiter ses dividendes, c’était à vous en faire venir les millions à la bouche. Il ferait un très bon ministre des finances, et sûrement il le deviendra. Ah ! c’est un rude adversaire pour les petits avocats verbeux qui osent se croire des hommes d’État, et pour messieurs les généraux, qui, non contents de leur gloire militaire, voudraient passer pour des orateurs. Sa rude logique, à bonds de sanglier, culbutait leurs arguments comme des châteaux de cartes.

— Tudieu ! maître Gerbier, quelle chaleur d’âme pour votre nouveau client ! Mais puisque vous le connaissez si bien, dites-moi, je vous prie, croyez-vous que ce nouvel acquéreur serait disposé… consentirait…

— Ah ! monsieur le comte, vous revenez à votre idée fixe, très naturelle et très légitime du reste, le rachat des ruines, n’est-ce pas ?

Albert fit un signe affirmatif.

— Sur cette question-là, reprit gravement le notaire, je ne vous dissimulerai pas que M. Grandperrin n’a rien d’artiste, qu’il manque absolument de lyrisme. Lamartine et Chateaubriand sont pour lui des livres fermés ; il n’a