Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/40

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attributs de l’artiste en voyage, la pique et le parasol au bord du chemin creux, n’avaient pas échappé à son premier coup d’œil et venaient d’évoquer brusquement dans sa mémoire toute une scène lumineuse du passé, mais d’une époque déjà lointaine, où la réalité se mariait au rêve. Elle tressaillit, comme éclairée d’un infaillible pressentiment ; et quand d’assez loin, près du comte, elle aperçut l’étranger, elle n’eut pas un doute. C’est lui, pensa-t-elle. Presque sans le voir, elle l’avait reconnu. Tout le sang de ses veines lui reflua au cœur. Elle n’était guère préparée à une commotion si forte, et fut obligée de s’appuyer un instant sur la haute canne de son ombrelle marine. Elle se maîtrisa pourtant peu à peu, et quand elle put reprendre sa marche, cette fois, grave et recueillie, elle avait recouvré tout le sang-froid apparent qu’exigeait la situation nouvelle.

Le comte vint à sa rencontre, et lui prenant la main :

« Heureuse fortune pour nous, Marie. Permettez-moi de vous présenter un de mes plus anciens amis, que jusqu’à présent vous connaissiez simplement par ses œuvres, Georges Fontan, qui nous revient d’Égypte… »

Georges s’inclina profondément en essayant de voiler son trouble.

« Soyez le bienvenu, monsieur, dit Marie,