Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Marie n’était venue. De nouveau, j’ai dit : « reste, » et sur mon insistance réitérée, c’est elle qui l’en a prié. Sous le charme de sa voix et de son regard, il n’a pu se défendre, je le comprends, et n’ai rien à dire ; je dois attendre, j’attendrai que la pleine lumière se fasse ; d’ici-là pas de bruit sinistre ou banal chez un vrai gentilhomme, comme je prétends l’être… Il ne se passera rien qui ne soit digne d’elle, de mon hôte ou de moi-même. »

Il rentra, déjà presque maître de lui-même, et, de toute la soirée, rien dans son attitude ou son regard ne révéla les grandes crises de l’orage intérieur. Quand Mlle Marthe Alvarès descendit, à l’heure un peu tardive du dîner, le comte la présenta fort gracieusement au paysagiste.

Mlle Marthe n’a guère été citée que pour mémoire au début de ce récit. Je lui demande humblement pardon de mon irrévérence. C’était encore une très belle personne. Tous les âges ont leur genre de beauté, et quelques femmes ont vraiment tort de regretter si amèrement leur première jeunesse. Il est des arrière-saisons, chez les brunes surtout, qui n’ont absolument rien à envier aux vertes richesses des printemps. Mlle Marthe avait d’admirables épaules, et des bras d’un modelé superbe, en pleine chair sans empâtement, avec les deux fossettes légendaires