Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/69

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parler. Elle avait gardé la nostalgie de l’Estramadure et fut très injuste pour la France méridionale, qu’elle déclarait une mauvaise parodie de l’Espagne. Les arènes d’Arles et de Nîmes ne furent pas épargnées et baptisées par elles de faux cirques où grimaçaient de faux toréadors, évoluant sous de faux soleils. Carcassonne, Collioure et Perpignan sonnaient mal à son oreille, à côté de Séville, de Grenade et de Cordoue, et elle avoua que les dialectes de la Provence et du Languedoc lui donnaient particulièrement sur les nerfs quand elle songeait à sa belle langue espagnole, faite de musique et de lumière, où de simples porteurs d’eau se nomment des Aguadores.

Son petit havanais, gros comme le poing, dont Georges caressait les belles soies blanches, tout en lui donnant du sucre et en admirant ses oreilles roses, fit également très bon accueil au paysagiste. La conversation ne languit pas un instant. Mlle Marthe s’étonna à bon droit de plusieurs choses qu’elle avait peine à comprendre… Elle trouvait que les Français, pour la plupart si contents d’eux-mêmes, sont généralement d’une ignorance de carpes sur les détails les plus habituels de la vie. « Je n’en connais pas un sur mille, disait-elle, sachant que le café dont il boit tous les jours lui vient d’un arbuste à fruits rouges comme nos cerises. »