Page:Lemoyne - Œuvres, Une idylle normande, 1886.djvu/80

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petite bergère lui jetaient encore de l’eau froide au visage.

La voiture étant brisée et le pauvre Sélim couronné, ils revinrent dans une longue charrette de paysan, que son conducteur ramenait à vide. Au retour, on coucha l’artiste, pris de fièvre ; mais le médecin déclara son état sans danger (deux ou trois jours de repos devaient suffire), et Mlle Marthe s’installa au chevet du malade en vraie sœur hospitalière.

Le comte n’avait aucune blessure sérieuse apparente. Sa détermination était prise. Il s’était dit :

« Je comprends tout maintenant de Marie Alvarès. Rien ne prévaudra contre son opiniâtre et inflexible volonté. Georges serait parti demain ; c’est elle qui a dû hâter son départ. Elle en a eu le courage. Je la connais bien : esclave d’une première parole donnée, elle aurait mis sa main dans la mienne sans hypocrisie, et elle aurait suivi jusqu’au bout la ligne rigoureuse du devoir. J’en suis sûr. Il est des femmes que leur dignité sauvegarde, qui, d’instinct, ont horreur d’une tache, comme l’hermine de la boue ; mais elle en serait morte. Et moi, d’ailleurs, aurais-je pu étouffer ses pensées, renverser d’un souffle les images de ses rêves, écraser ses lèvres, qui, peut-être, dans la franche illusion du sommeil, auraient prononcé à haute