Page:Lemoyne - Poésies - 1873.djvu/250

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Là-bas, entre les rangs clair-semés des vieux aunes,
Des saules contrefaits, des ormes rabougris,
La rivière, ondulant sur un triste fond gris,
Traîne ses flots marneux comme des rubans jaunes,

Le dernier laboureur a quitté les sillons :
Il a jeté son grain aux terres labourées.
Lasses comme les gens, les bêtes sont rentrées,
Ainsi ’que la charrue et les grands aiguillons.

Par tout le marais bas la plaine est inondée.
Si dans les arbres nus la rafale s’éteint,
Un autre bruit s’éveille à l’horizon lointain :
C’est un bruit continu d’écluse débordée.

Les chemins sont déserts… Pas un être vivant…
Les brebis aux flancs creux qui vont à l’aventure
Brouter le terrain vague et de vaine pâture,
Ne se risqueraient pas dans la pluie et le vent.

Aux lisières du- bois pourtant quelqu’un chemine :
Son fagot sur le dos, un bûcheron voûté
Dispute à la bourrasque un haillon tourmenté
Qui de son vieux corps grêle abrite la ruine.