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la triomphatrice

Denise.

Mais croyez-vous que ce soit la première fois ? Mais toujours je vous ai trouvée contre moi… Ah ! je sais trop ce que vous valez, maman. Si je n’avais pas été votre fille, je vous aurais adorée comme les autres… mais on ne peut pas, maman, on ne peut pas être votre fille… on ne peut pas être auprès de vous cette pauvre chose enfantine, qui ne sait pas parler, qui ne sait pas écrire, qui peut-être même, ne sait pas sentir comme vous… Ils savent trop qu’ils n’auraient qu’à perdre avec moi (amère, ironique.) Ah ! ce ne sont pas des amours illustres qu’ils pourraient me demander. Que voulez-vous, maman, vous tenez les cœurs et les vanités.

Claude, profondément.

Pas tant que tu le crois.

Denise.

Flahaut, mon Dieu, je l’aurais épousé, peut-être, mais ce n’est pas lui (âpre), ce n’est pas lui. (Elle s’arrête pour respirer.)

Claude, résignée, immobile, glacée.

Voyons, qui est-ce ?

Denise.

Il y a deux ans, j’ai aimé de tout mon cœur. J’étais une naïve, j’avais seize ans, il en avait vingt, il était toujours ici… Par parenthèse, maman, vous auriez pu nous observer… il est vrai que vous saviez à quoi vous en tenir…

Claude, de plus en plus immobile.

Va, va…

Denise.

Vous étiez tous à l’admirer, à le dire charmant, supérieur, plein d’avenir… maman, vous en parliez sans cesse, j’étais une sotte, j’ai cru que vous nous encouragiez. Il vous regardait avec de si grands yeux affamés d’espoir, maman…