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SAINT-JUST

fois de la bouche de Carnot) « mais son arrogance dépassait toutes les bornes ». En effet : « Saint-Just avait un talent rare et un orgueil insupportable, nous dit encore Barère, il ne parlait que de la république et il avait un despotisme habituel. Saint-Just votait comme un oracle et délibérait comme un vizir. »

D’ailleurs la concordance est parfaite de l’un à l’autre, parmi les conventionnels. La personnalité de Saint-Just a visiblement agi sur toutes ces mémoires avec une force qui garantit l’authenticité. Et, chose remarquable, ils ne sont pas haineux, leur réelle absence d’animosité — Barère, Carnot, Prieur, — surprend quand on songe qu’ils durent lui pardonner le plus impardonnable : la hauteur de l’âme et celle de l’attitude, l’orgueil actuel et visible qui méprisait jusque dans la beauté du visage. Ils ont rapporté ses paroles et ses actes sans leur enlever ce qu’ils assumaient sur autrui, c’est-à-dire sur eux-mêmes, et une justice à rendre à tous ces collègues si défiés et tyrannisés, c’est qu’en jugeant, en condamnant Saint-Just, ils ne l’ont pas avili, ne l’ont pas essayé, ne l’ont pas voulu. C’est une clémence dont ils n’usèrent pas à l’égard de Robespierre. L’un d’eux n’a-t-il pas dit : « C’est là une cruelle vertu,