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SAINT-JUST

n’oserait attaquer des hommes célèbres, environnés d’une grande illusion. J’ai laissé derrière moi toutes ces faiblesses ; je n’ai vu dans le monde que la vérité, et je l’ai dite[1]. »

Il a donc raisonné son cas. Lucide et réfléchi, rien des équivoques de son rôle n’a dû lui échapper. Il n’y a chez celui-ci, le plus effrayant, le plus cruel, rien du malade et du fou selon le diagnostic de Taine, mais une orgueilleuse et saine impitié, quelque chose d’incomparable et d’exemplaire comme le Seien Sie hart de Nietzsche. Le phénomène est unique : cette cruauté sans défaut, qu’en bonne foi rien ne permet d’atténuer, cette cruauté, dirions-nous, presque magnifique, est celle d’un homme intelligent, raisonnable et très fin, d’un excellent administrateur, d’un chef habile au sens net et froid. Loin d’atténuer les charges, nous les revendiquons pour le plus remarquable sang-froid historique, pour une intelligence qui n’eut rien des surprises et des inachèvements de la jeunesse. Je le répète, elle est unique, cette dureté simple, sincère et pure comme les choses parfaites. On ne sait plus qu’en penser. Saint-Just n’a-t-il pas dit que « rien ne ressemble à la vertu comme un grand crime ».

  1. Institutions républicaines.