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autre chose que répéter — et jusqu’au titre même — le mystérieux sonnet des correspondances ?

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

En étrangère à qui la langue a ménagé des surprises que nous ignorons, elle trouve même que nous l’avons trop admis, et qu’avant elle nous en sommes arrivés à la confusion des sens :

Non seulement les sens nous trompent, mais les habitudes de notre langue indiquent que les gens qui possèdent cinq sens trouvent difficile de garder leurs fonctions distinctes. Je dois croire qu’on entend des points de vue, qu’on voit des tons, qu’on goûte la musique. On me dit que les voix ont une couleur. Le tact, que j’avais supposé être une affaire de perception délicate, devient une affaire de goût. À juger par le large emploi du mot, le goût paraît être le plus important de tous les sens. Le goût règne sur les grandes et les petites conventions de la vie. Certainement, le langage des sens est plein de contradictions et mes semblables, qui ont cinq portes à leur maison, ne sont pas plus chez eux en eux-mêmes que je ne le suis. Alors ne peut-on pas m’excuser, si ce compte-rendu de mes sensations manque de précision ?

Il ne faut pas oublier qu’elle possède autre chose que les vibrations, si infime que nous paraisse l’odorat, si indigent en apport humain, tout prend ici la valeur spéciale des moindres indices pour un enquêteur passionné. « Les sens, dit-elle, s’entr’aident et se renforcent l’un l’autre à tel point que je ne sais pas lequel, du toucher ou de l’odorat, me renseigne davantage sur le monde. Partout la rivière du toucher est rejointe par les ruisseaux des perceptions de l’odorat. » Miss Keller trouve difficile de parler avec dignité et vérité de l’odorat. Il n’occupe pas, trouve-t-elle, parmi les sens, la haute situation qui lui serait due. « Il y a quelque chose de l’ange tombé, dans son cas. »

Dans mon expérience, dit-elle, l’odorat est fort important, et je trouve les plus hautes autorités en faveur de la noblesse d’un sens que nous avons négligé et déconsidéré. Il est écrit que le Seigneur commanda que l’encens soit continuellement brûlé devant lui avec une odeur agréable. Je doute qu’il y ait une sensation naissant de la