Toute petite enfant, sur le sein de sa mère,
Je la vis qui dormait !…
Je la revis plus tard, vierge !… une plainte amère
Sur sa lèvre expirait !
Or, je la revis femme ! Elle avait, douce chose,
Un charmant nouveau-né !
C’était beau !… Mais son front penchait pâle et morose
Aux larmes condamné !
Des ans se sont passés ! Quand je revins près d’elle
Elle était à genoux,
Priant près d’une lampe à la blanche étincelle
Sans enfant, sans époux !
Je n’ai vu que des pleurs à l’œil de cette femme,
Si suave pourtant !
Elle était belle et sainte ! et Dieu lui prit son âme
Oh ! Dieu, lui, l’aimait tant !
D’abord, joyeuse enfant, puis, blonde jeune fille.
Épouse mère ; enfin,
Veuve au cœur désolé, sans amour, sans famille,
Elle fit son chemin !
Et je l’ai rencontrée ? Et nous nous séparâmes
Pour ne plus nous revoir !
La mort réunira nos corps ; et nos deux âmes
Au ciel iront s’asseoir !
Montréal, 17 mai 1848.