Page:Lenotre - Babet l’empoisonneuse, ou l’empoisonnée, 1927.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page n’a pas pu être entièrement corrigé, à cause d’un problème décrit en page de discussion.

Ce choix pouvait surprendre, mais Normont s’en déclara très satisfait ; par son genre sans pruderie, Julie lui plaisait. Entrée dans la maison sans linge et sans bagage, elle fut bientôt nippée luxueusement : les robes, les bonnets, les dentelles lui furent prodigués. Madame de Mellertz se montrait pour cette fille pleine d’indulgence. La cuisinière Magdeleine ayant témoigné quelque étonnement de l’assiduité de M. le comte dans la cuisine et dans l’office, fut renvoyée, et c’est à l’envahissante Julie qu’on s’en remit du soin de lui trouver une remplaçante. Elle introduisit dans la maison sa cousine Véronique dont elle répondait, — comme d’elle-même. Elle s’assurait, en effet, dans cette recrue, une alliée fidèle, une complice, et Normont fut enchanté de la combinaison : quand on était à Paris, il prétextait des travaux urgents à entreprendre dans la maison de Choisy où il se rendait deux ou trois fois par semaine. Julie l’accompagnait dans ses déplacements. Si, au contraire, on habitait la campagne, ses affaires le rappelaient constamment à Paris où il emmenait, pour le servir, la docile et toute dévouée femme de chambre. Madame de Mellertz approuvait ces agissements. Babet n’avait qu’à se taire.

À bout de résistance, elle voulut mourir. Un jour, elle pria la cuisinière d’aller chez l’apothicaire et d’acheter neuf grains d’émétique ; elle avait écrit sa commande sur un petit papier qu’elle remit à la servante. Celle-ci s’acquitta de la commission, mais ne rapporta pas le médicament, le pharmacien ayant refusé de lui délivrer sans ordonnance une dose aussi considérable. En rentrant rue de l’Échiquier, elle rencontra madame Martin, l’une des locataires de la maison, et lui parla de la course inutile qu’elle venait de faire. Madame Martin voulut voir le papier : elle s’exclama : — « neuf grains d’émétique ! Il y a de quoi tuer un homme ! » Un peu émue, la cuisinière rendit compte à madame de Normont du mauvais succès de sa commission et de ce qu’avait dit madame Martin. Babet haussa les