Page:Lenotre - Georges Cadoudal, 1929.djvu/201

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cet avis, Cacqueray saute à cheval, se lance, bride abattue, à travers bois, vers Biville, sur cette route de conjurés, naguère si sûre, maintenant bouleversée et coupée en maints endroits par des postes de soldats ; essuyant la fusillade des patrouilles, traversant à fond de train les embuscades, il arrive à La Poterie, dépêche en hâte à la falaise un homme instruit des signaux, enfouit les armes et la poudre approvisionnées à la ferme et regagne Gournay sous les coups de feu, sans une blessure, sans même avoir été reconnu. Quarante ans plus tard, ses enfants conservaient encore le manteau qu’il portait en cette étonnante prouesse : le drap en était percé de plus de vingt balles.

Ce fut le suprême exploit des chouans de Georges. D’ailleurs, on apprit plus tard qu’aucun prince n’était à bord du Vincejo : le navire, à ce voyage-là, portait vingt-cinq Bretons aux noms obscurs que Guillemot expédiait à Georges comme renfort et dont la venue n’aurait grossi que le nombre des victimes. Car, à dater de ce jour, la conspiration étant dévoilée, les incidents dramatiques et les coups de théâtre se succédaient de façon ininterrompue. Le premier qu’on arrêta fut Louis Picot, dit Joseph, le domestique de Georges. On le prit à la Cloche d’or, rue du Bac. Conduit à la Préfecture de police, il comparut devant Bertrand, le terrible chef de division, homme énorme, borgne, boiteux, féroce et