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DUVIQUET

grant ou de Rohan-Infanterie, nobles vagabonds voués à la mort, échappés de la tragique presqu’île et résolus à venger l’hécatombe de leurs camarades. Ils s’y emploient avec ardeur, car, en cet automne de 1795, presque tous les militaires ayant consenti à siéger dans les sanglants tribunaux de Quiberon, de Vannes ou d’Auray qui condamnèrent à la fusillade près d’un millier d’officiers royalistes, étaient déjà morts, victimes d’implacables représailles[1].

Elle est bien singulière, la vie de ces justiciers errants, aux gages de chefs de bandes sous les ordres desquels ils s’enrôlent. Dans le Penthièvre, ils pullulent, si entreprenants que les patriotes de Moncontour sont prisonniers dans leur petite ville « dont aucun n’ose sortir sans s’exposer à une mort certaine[2] ». Pour remplacer Boishardy, Puisaye a nommé le chevalier de la Vieuxville ; mais celui-ci ne paraîtra guère et c’est Le Gris-Duval, le châtelain de Bosseny, qui, du consentement unanime, commande la division des Côtes-du-Nord. De Quintin à Broons, de Loudéac à Saint-Brieuc, sa haute taille,

  1. Le général Lemoine, qu’on surnomma le bourreau de Quiberon, écrivait le 5 septembre aux représentants du Peuple : « Vous m’avez demandé de vous fournir une liste des bons patriotes qui m’ont aidé dans les vengeances que j’ai exercé au nom de la Nation… J’ai le regret de vous annoncer que tous ont péri, assassinés par nos lâches ennemis. C’est à peine si les états de situation que je viens de parcourir en présentent quelques-uns sur les cadres. Les brigands avaient juré de les faire tous périr et nous ne pouvons qu’honorer leur mémoire républicaine. » Lettre citée par Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, édition Drochon, III, 156.
  2. Archives nationales F10 111. Côtes-du-Nord, 2, Plainte des électeurs républicains au Conseil des Cinq-Cents, 4 novembre 1795.