des curieux se pressent pour voir de quelle mine le brigand affrontera la mort. C’est le moment terrible : il faut ne pas faiblir et dissimuler, sous l’affectation d’insouciance, la déchirante détresse de mourir, en pleine vigueur, à vingt-huit ans. Il se raidit et avance, la nuque tendue, les mains entravées, dédaigneux des rumeurs et des invectives, entre l’exécuteur et le capitaine Hébert auquel il parle, par contenance : — « Je vous ai chargé de deux commissions[1], vous m’avez donné votre parole d’honneur, ne l’oubliez pas. » Déjà on aperçoit l’échafaud, établi à cent pas à peine de la prison, sur la place de l’Égalité, encadrée par les tilleuls du Cours, les premières maisons de la rue Saint-Guillaume et les vieux murs de la Collégiale de ce nom, convertie en écurie. À dix pas de l’ignominieux appareil, les yeux levés sur les montants trapus qui soutiennent le triangle d’acier, une dernière crânerie : — « La guillotine ne me fait pas peur ; je me guillotinerais bien moi-même. » Et comme s’il avait gardé pour cet instant-là une réserve de fermeté, il « redouble le pas », monte l’échelle, s’abandonne : tandis qu’on le boucle sur la planche, il tourne la tête vers les spectateurs groupés à la droite de la plate-forme et dit « assez distinctement » : — « Vive mon Dieu ! Vive mon Roi ! » La plèbe le hue. Le corps bascule, le couteau tombe[2].
- ↑ La remise de l’anneau et l’engagement d’obtenir que la destinataire du bijou ne serait pas inquiétée.
- ↑ « … Ce scélérat invoqua l’ombre de Louis Capet avant de mourir et montra un certain caractère ; mais le supplice des assassins l’accabla ; il vit avec plus de frayeur les bois du sacrifice et le couteau fatal qu’il n’eût vu la fusillade… » Lettre de Besné au ministre de la Justice. Archives nationales, BB18 253.