bougre qui n’est pas riche… » Aux autres il laisse 12 ou 15 francs « pour faire la route[1] ». Une escorte de soldats ne protège plus les voitures publiques : — « c’est un moyen insuffisant et même nuisible, car ces escortes ne peuvent être nombreuses et les brigands combinent leurs forces en conséquence » ; et puis, « la présence de militaires autour d’une diligence ou d’une malle-poste annonce en quelque sorte que cette voiture transporte des fonds[2] ». D’ailleurs où sont les soldats de la république ? On n’en voit plus ou bien, ceux qu’on rencontre traînent sur les routes leurs uniformes en lambeaux et leurs mines affamées. Dans peu, un correspondant du ministre pourra écrire : — « Les officiers et les soldats sont dans la plus grande détresse : privés de paie depuis cinq à six mois, sans bas, sans chemise, sans habits, couverts seulement d’une mauvaise capote… La désertion est à son comble : ils vont rejoindre les chefs chouans qui donnent 200 francs d’engagement[3]. »
À qui imputer ces forfaits ? Comme il faut mettre des signatures à ces crimes anonymes, on désigne les plus fameuses, celles qui sont des épouvantails : Le Gris-Duval, Carfort, Saint-Régent. Ces trois hommes sont invisibles et pourtant on croit partout les reconnaître ; ainsi des légendes se forment que les magistrats désemparés adoptent : tous leurs rapports désormais signaleront « l’exécrable Carfort », « le scélérat Saint-Régent », « l’infâme Legris-Du-