Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
263
LA NUIT DU 4 BRUMAIRE

rompue, du reste, car il fut commandé d’escorte pour accompagner la malle-poste de Brest à Paris qui passait dans l’après-midi. Il plaça dans son portemanteau, sous sa selle, la lettre de Giraudeau, — « crainte de la perdre », dit-il plus tard, — monta à cheval et partit, galopant à la portière de la voiture vers Lamballe, pour ne reparaître que le surlendemain, et emportant ce précieux billet auquel, sans qu’il s’en doutât, étaient suspendues tant de vies humaines.

On se représente les transes de Giraudeau dans cet après-midi du 26. Sa lettre partie, il s’attend à être convoqué chez le commissaire du Directoire. Les heures passent, angoissantes ; rien ne vient. Quand la nuit tombe, il guette les bruits du dehors : n’entend-on point battre le rappel, sonner le tocsin ? Des troupes ne se massent-elles point autour de la prison ? Non ; la garde coutumière n’est même pas renforcée. Le temps s’écoule ; pas un bruit ; — une heure du matin : tout demeure silencieux. — Deux heures sonnent à l’horloge de la cathédrale…

À ce moment précis, une femme traînant un homme ivre entrait en ville par la rue Cordière. Suivant les rues de la Vinaigrerie et de la Vicairie, le couple titubant parvint à la place de la Liberté. Là étaient l’Hôtel de Ville et le poste central, occupé par la garde nationale. Tout dormait. Devant le poste veillait, seule, une sentinelle. L’ivrogne et sa compagne traversèrent la place, se dirigeant vers le soldat qui les laissait approcher sans méfiance[1].

  1. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, Études, 204.