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LA MIRLITANTOUILLE

ignorant, comme les autres, que les royalistes sont maîtres de la ville, au Qui va là ? des barrages, il répond innocemment Merlin ! et circule sans difficulté : les Chouans entendent Berlin, qui est, paraît-il, leur mot de passe[1]. La nuit devait être terriblement obscure pour justifier ces quiproquos, sans quoi l’accoutrement des soldats de Mercier La Vendée, portant la chemise par-dessus la culotte, aurait prévenu semblables confusions. Mais n’est-il pas de règle, au lendemain de tout événement tragique, que bon nombre d’amplificateurs tiennent à honneur d’avoir échappé au danger par une sorte de miracle et, dans leurs témoignages, il faut faire la part de la vantardise. Encore ne s’explique-t-on pas comment les citoyens patriotes qui se risquaient hors de chez eux, aient pu si unanimement s’abuser et prendre les Chouans pour des camarades. Le président de l’Administration départementale, Le Provost, sort de sa maison avec son fils Vincent, âgé de treize ans ; chacun d’eux s’est armé d’un fusil. À peine dans la rue, Le Provost est entouré, houspillé ; donnant dans l’erreur commune : — « Je suis républicain ! » proteste-t-il ; — « c’est ce qu’il nous faut ! Le Roi commande ici ! Rends ton fusil, bougre ! » Madame Le Provost, qui se tient sur le seuil de sa maison, une lanterne à la main, intervient : — « Comment ! vous ne le reconnaissez pas ? C’est un de vos administrateurs !… » — Un administrateur ! Le Provost est collé contre une porte, les fusils sont braqués sur lui, il va mourir… La porte s’ouvre[2], l’engouffre, se referme. Le

  1. Habasque, II, p. 87.
  2. Celle du citoyen Lagadeuc, gendarme retraité.