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BOISHARDY

et tout à coup le hasard lui confère enfin la suprématie si obstinément convoitée. Une femme lui remit, certain jour de janvier 1794, des dépêches officielles arrivant d’Angleterre et adressées au commandant en chef des armées royales de Bretagne. Ces dépêches étaient apportées de Jersey par un ancien agent de la Rouerie, Noël Prigent, maraîcher à Saint-Malo, qui, depuis deux ans, à la barbe des gardes-côtes et de la douane, assurait, avec une impunité surprenante, les communications entre les royalistes bretons et les îles anglaises. Cette fois il était chargé de transmettre aux chefs vendéens, qu’il croyait trouver maîtres de Granville, l’assurance d’un prochain concours de l’Angleterre et de l’arrivée imminente de la flotte britannique.

Retardé dans son voyage, apprenant, au débarqué, que l’armée vendéenne s’était depuis longtemps repliée et se traînait maintenant au delà de Nantes, brisée, dispersée, sur le point d’être anéantie, Prigent se trouva fort embarrassé du courrier dont il était porteur. Il entendit parler de ce grand personnage qui, sous le nom de Comte Joseph, se dérobait mystérieusement au fond des bois ou dans les landes et passait pour être en Bretagne le plus actif représentant des Princes exilés : il lui fit tenir les dépêches anglaises, et Puisaye, par la lecture de ces lettres, destinées à d’autres, apprit, le premier, que le cabinet de Londres se montrerait disposé à soutenir, dans certaines conditions, l’effort des insurgés de l’Ouest et à concourir au rétablissement de la monarchie légitime. La possession d’une si grave et décisive communication centuplait sa