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LA MIRLITANTOUILLE

et rendu à la liberté[1]. Usé à trente ans par la captivité, sans ressources, couvert de loques, il reprit le chemin de la Bretagne et se rendit droit à Quintin, chez ses amis Kerigant. Madame de Kerigant se disposait à sortir et se trouvait, avec son jeune fils, dans le vestibule de sa maison, quand la porte de la rue s’ouvrit et donna passage à « un homme de haute taille, au teint basané comme celui d’un créole, et vêtu d’une façon étrange. Madame de Kerigant, l’ayant fixé, s’écria en levant les bras : — « Mais… c’est vous, Carfort ! — Eh ! oui, Élisabeth, c’est bien moi ! » Il manquait de tout et les Kerigant n’étaient plus riches ; mais, la joie de se revoir après tant d’années, tant d’illusions déçues, tant d’espoirs enfin réalisés, fut si vive que la causerie, à table, se prolongea une bonne partie de la nuit[2]. Carfort obtint du gouvernement de la Restauration une petite pension, — 1.500 francs, de quoi ne pas mourir. — En 1821 on le retrouve exposant ses titres à la pitié des Princes : « Couvert de blessures, ayant à sa charge son père, blessé pendant les Cent Jours, sa sœur, mère de famille et veuve d’un officier royaliste guillotiné… » On lui répondit de Paris que « sa demande s’appuyait sur des bases erronées[3] » ! Il fallait que la foi royaliste de ces vieux Chouans fût solidement chevillée pour résister à de si rudes heurts. Carfort se résigna : il se fixa sur le

  1. Carfort avait été précédemment écroué au château de Lourdes et transféré au château d’If à la suite, croit-on, d’une tentative d’évasion.
  2. Kerigant, Les Chouans, p. 140, n. Kerigant mourut au château de Kerigant, le 25 mai 1834 ; sa femme, sœur de madame Le Gris-Duval, décéda à Quintin, le 1er juillet de la même année.
  3. Archives nationales, F7 6481.